vendredi 11 décembre 2009

Ma copine aux quatre journées... Et les autres

Anetta se lève, repasse le linge, range la maison, prépare le petit déjeuner de ses amours, câline ses trois lapins qui se réveillent, s’organise avec l’homme encore endormi, file à son travail numéro 1 à l’autre bout de Paris bien sûr, a deux heures tranquilles pour avancer ses affaires, enchaîne ensuite les réunions, déjeune avec ses étudiants ou lit et écrit les articles du travail numéro 2, reprend le travail numéro 1, rentre, accueille la marmaille, console ou rit des histoires du jour, aide aux devoirs, baigne, prépare le dîner, câline à nouveau, baille mais ce n’est pas le moment, couche ses chéris, écoute l’homme indigné par ses collègues même s’il est d’une patience d’ange, s’assure qu’il est maintenant bien installé devant ses journaux-papiers-télé-bouquins-jeux, reprend enfin le dossier de l’association qu’elle mène à bout de bras depuis deux ans pour que les enfants aient droit à l’école de leur pays d’origine, pas seulement ses enfants mais tous ceux qui sont venus ici et parlent parfois mal la langue de leurs parents immigrés de là-bas, ça avance, les cours sont bien rodés maintenant, le samedi évidemment, mais il reste à publier les statuts et organiser les événements classiques de toute école… Merde, Anetta a oublié de répondre à sa collègue du travail numéro 2 qui s’inquiète de son silence à propos du dernier article à corriger d’urgence, il faut d’ailleurs oui le corriger celui-là, aïe et ne pas oublier non plus de s’inscrire au colloque truc, pas envie de rouvrir l’ordinateur, regarde les papiers des activités extra-scolaires des enfants, en retard, ça va gueuler, et la cantine, pas payée comme promis hier, et le compte rendu de la dernière réunion d’association de parents de l’école (la de tous les jours, pas celle du samedi), pas lu, tant pis, crotte, peut plus, se couche à côté de l’homme endormi depuis belle lurette, ressasse et décide finalement que la vie est chouette.

C’est vrai quoi, elle adore son boulot, les deux. Ses nounours, tous. Ses collègues au poil malgré quelques crétins mais ils sont bien loin de ses préoccupations quotidiennes sauf la semaine dernière où heureusement elle n’était pas toute seule à affronter la bêtise de l’animal imbu de lui-même et avide de pouvoir ou d’argent ou de médaille ou que sais-je qui la dépasse. L’école du samedi est un succès, quelle fierté. Anetta s'endort le sourire aux lèvres. Le lendemain pas besoin de se lever trop tôt, la maison est propre puisque la femme de ménage est passé dans la journée d’hier. Oui, non mais, et puis quoi encore, le ménage et la cuisine tant qu’on y est ? L’homme cuisine et le mercredi madame ménage récure, pas Anetta. Na.


Et mes autres copines ? Elles dépriment d’avoir jeté l’homme ou d’avoir trop aimé leur maman, de se battre avec une adolescente qui leur ressemble tellement ou de ne pas être assez reconnu pour leur travail, elles rient de leurs malheurs en fumant. Elles viennent de déposer les enfants à l’école et prennent le deuxième café au bar du quartier. Un jeune homme tend l’oreille pour attraper quelques bribes de ces conversations de femmes désespérées. Elles, elles se retournent souvent vers lui, en chuchotant. Mais de quoi parlent-elles ? Comment peut-on rire de telles souffrances ? Est-ce de ne pas dormir ? De prendre des cachets anti-dépression ? Elles ne sont pas de la même nationalité mais cela ne change rien au désespoir qui est réel et le même partout. Non, pas de différence. J’en suis sûre, j’en fais partie. Je suis moins occupée qu’Anetta, moins folle que mes copines du bar, enfin, c’est c’que j’me dis, mais personne n’est d’accord avec moi.


Photo des femmes filles, sculptures de Corinne Chauvet.

lundi 14 septembre 2009

La Bombe à Fées

Jojo crie beaucoup, pleure facilement, frappe parfois, trépigne souvent. Mais à la moindre histoire, il tend l’oreille, écoute, oublie sa colère, pose des questions, s’intéresse à la réponse, prend des décisions, regarde autour de lui et sourit. Jojo a sept ans et demi, il est beau, il a une petite sœur toute calme, gentille et rigolote.
Sa maman travaille, on est en août et sa grand-mère n’est pas là. Il vient le matin chez son copain Boulette. Ils sont quatre, avec aussi sa frangine et Mon Minou, à participer aux activités que propose émilie, ma nièce, 19 ans, animatrice pour enfants. Émilie s’exprime dans un espagnol approximatif et ne sait pas raconter des histoires. Jojo se surpasse les premiers jours, un vrai sale gosse. Ma nièce finit ses journées au bord de la dépression.

Pendant ce temps, moi j’écris. Sur les lieux du désastre. Je me boucle dans le bureau mais les cris se foutent des cloisons et télescopent l’idée qui surgit enfin. Je termine l’HDR (voir journal d’un e.c. en dispo) et je souffre. L’idée est là mais mon corps peine à la coucher sur le papier. Elle représente la fin d’une attention continue de plus de deux ans, d’un travail quotidien qui ne me nourrit plus et m’épuise. Je marche dans la pièce, je sers les poings, « oui, je peux y arriver, je dois terminer… Ne pas avoir peur ». Je combats mes monstres.
Alors je sors de mon antre et trouve Jojo en pleurs au milieu de ses camarades stupéfaits et d’une jeune fille déboussolée, les bras ballants. J’écoute, l’affaire est grave, Jojo raconte : Mon Minou ne veut pas qu’il joue avec les playmobils qui ont des armes, justement ceux qu’il voulait. Boulette n’est pas non plus tout rose, il fait semblant de ne pas entendre. La petite sœur est dans la tente à peluches, loin du conflit. Je mime la scène avec des grands gestes et des cris ridicules, on rit. Jojo trouve la solution : il s’éloigne sans rien dire, il est calmé et ses copains sont étonnés et même un peu penauds. Petit à petit, ils découvrent un terrain d’entente et recommencent à jouer ensemble. Moi, je préviens : « J’ai besoin de calme pour tuer mes montres. J’en ai plein, c’est affreux. Si j’y arrive, je vous raconterais, promis. Mais en attendant, allez jouer dehors ».

Depuis, tous les jours, Jojo me demande des nouvelles de mes montres : « Alors, tu les as tués ? ».
- Pas encore. Attends.
Arrive le jour où je décide de mettre un point final à ce qui est devenu mon pensum. Jojo est là, au bord du caprice. Je m’approche :
- Veux-tu que je te raconte ?
- Tu les as tués ?
- Non, c’est impossible, on ne peut pas les tuer. A chaque fois que tu en tues un, des milliers ressurgissent, encore plus vilains.
- …
- Mais j’ai rencontré une toute petite fée. Elle a un pouvoir extraordinaire sur les monstres. Elle s’infiltre jusqu’à leurs oreilles et elle raconte des histoires. Le monstre se transforme. Il perd ses forces ou alors il devient bénéfique pour les humains.
- Et la fée, tu peux la tuer ?
- Non, elle est immortelle. Mais elle est cachée, elle a besoin de nous pour sortir de ses cachettes et déployer son pouvoir. On doit chercher, creuser et surtout raconter, écouter, rêver.
- Et les cauchemars ?
- Ce sont aussi des histoires. Toutes les histoires sont valables pour transformer les montres.
- Mais moi ça me fait pleurer les cauchemars !
- C’est bon aussi de pleurer…
Je n’ai pas le temps de finir, Jojo est déjà parti se préparer pour aller au parc. Cinq minutes avant, il refusait de décoller du piano de Boulette, et maintenant, il entraîne tout le monde, même émilie. Il a envie de jouer, de rire.

Plus tard, je raconte ce qui s’est passé à Mon Minou, neuf ans, qui a le mot de la fin : « C’est comme dans la vie quoi ! ».
Alors je dis que je peux envoyer ma « Bombe à Fée », encore des BAF en perspective !
On cherche aussi une autre traduction pour cet épouvantable acronyme HDR. On roule en bicyclette le long de la mer, marée basse et soleil estival, foule refusant que se terminent les vacances, ville toujours animée et premières odeurs de l’automne avec les noisettes, les pommes, les mûres et les figues à portée de main sur le chemin.

Je ne sais plus qui a trouvé :

Hada Del Rinconín…

(fée du recoin - El Rinconín, c’est le nom de notre résidence…).

jeudi 5 mars 2009

Le dad et la relève... Cachée...

Belle actrice a perdu son papa le 21/01/09. Il était né le 30/09/27... Il aimait les chiffres. Sans le chercher, elle l'a retrouvé dans ses papiers (pas par hasard cette obsession du rangement) et dans son corps : mal de ventre qui réussit parfois à se transformer en grande tristesse, rêve où il lui annonce la mort de sa mère (intéressant...), sérénité qui lui donne une force joyeuse.
Il en faut, les temps sont violents.

Je suis très contente de prendre mon temps pour tout : je dessine des hypercubes, j'écris une page correcte par an pour mon HDR (comme nous avons prévu avec Mon Minou et Boulette que j'avais environ un millénaire devant moi, je suppose que je m'arrêterais avant ma mort pour épargner l'indigestion à mes lecteurs), je ne fais plus de flamenco en salle mais vais au théâtre, oublie les choses urgentes pour me concentrer sur les choses importantes, il faut dire que je suis plongée dans les polars d'Upfield...

jeudi 12 février 2009

Les temps changent et reviennent


Voici que le rythme 4-5h du mat reprend (voir le journal d'un ec en dispo un peu plus loin sur ce blog)... Ce qui ne veut pas dire que le temps s'arrange mais tout simplement que les urgences reprennent !

Ecritures quand tu nous tiens... Une collègue me demandait d'ailleurs ce que je faisais : rien ? Enfin, s'excuse-t-elle, que ta recherche ? Réponse : jette un oeil au "journal..." écrit l'année dernière (25 avril 2008 pour être exacte) car de nouveau le temps m'échappe !